La Route Napoléon

« L’Aigle va voler de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre-Dame » : c’est par ces mots que l’évadé de l’île d’Elbe annonce son retour à Paris. Inaugurée en 1932 dans la prairie de la Rencontre près de Laffrey, celle que l’on nomme aujourd’hui la Route Napoléon sillonne, entre Golfe-Juan et Grenoble, des paysages variés jalonnés d’un riche patrimoine historique.
La Route Napoléon
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En route pour Grasse !

Le 1er mars 1815, Napoléon et sa modeste armée débarquent de l’île d’Elbe sur la plage de Golfe-Juan, enserré entre le cap d’Antibes et les collines de Vallauris. Sur le quai, une mosaïque commémore cet événement qui marque le début des « Cent-Jours ». Deux ports de pêche et de plaisance, 3 km de plage de sable fin et une pléiade d’activités nautiques constituent aujourd’hui les attraits de Golfe-Juan. Le temps où il n’y avait qu’une auberge sur le bord de la route – celle où Napoléon se reposa avant de partir vers Cannes – est donc loin. Il en est de même pour l’ancien village de pêcheurs, devenu star de la côte depuis que l’aristocratie anglaise et russe s’y établit en villégiature à la fin du 19e s., laissant en héritage de belles demeures. Les célébrités leur ont succédé, faisant de Cannes et sa croisette l’une des capitales mondiales du cinéma. La vieille ville, regroupée autour de la citadelle du Suquet, occupe les pentes de son rocher. L’ancien château des 11e et 12e s. accueille désormais le musée de la Castre et son importante collection d’archéologie et d’ethnographie.

Napoléon quitte la côte en empruntant la route de Grasse. Entre villages perchés et collines couvertes d’oliviers, la capitale du parfum se dévoile sur un plateau qui lui ménage une vue imprenable sur le littoral. Le centre ancien recèle une dizaine de maisons médiévales et dans ses ruelles, le musée international de la Parfumerie invite à la découverte de la première collection publique au monde consacrée à la magie des senteurs.

Sur les traces d’anciens chemins muletiers

Au-delà de Grasse, la colonne napoléonienne doit affronter de mauvais chemins muletiers, mais aujourd’hui, c’est une route des plus agréables qui conduit jusqu’à Séranon. Dans la descente du col de Luens, apparaît Castellane au pied de son rocher surmonté de la chapelle Notre-Dame-du-Roc. Le décor est grandiose : la différence d’échelle est saisissante entre la petite ville et la falaise cyclopéenne qui la domine de ses 184 m. L’animation prend ses quartiers d’été dans les ruelles étroites ponctuées de placettes et de fontaines ou autour de la place Marcel-Sauvaire, agrémentée de belles arcades.

Quittez la ville puis le bassin du Verdon pour rejoindre celui de l’Asse par l’ouverture spectaculaire de la clue de Taulanne. À la hauteur de Barrême, sur la droite, se dresse une ancienne ferme encadrée de deux pigeonniers où Napoléon se serait restauré. Barrême est également réputé pour la richesse de son site fossilifère qui appartient à la Réserve géologique de Haute-Provence, la plus grande d’Europe, labellisée Géoparc par l’Unesco.

Des Préalpes aux Alpes

Passé Chaudon-Norante et l’étroite clue de Chabrières, vous voilà dans les Préalpes de Digne-les-Bains, qui doit son nom aux sources d’eau chaude qui jalonnent sa vallée. Ville thermale, mais aussi capitale des « Alpes de la lavande », elle jouit d’une activité permanente rythmée par les marchés et les foires. Côté patrimoine, l’imposante cathédrale Notre-Dame-du-Bourg (13e et 14e s.) présente des décors intéressants dont un tympan peint vers 1330 et des fragments de peintures murales (15e et 16e s.). À voir également, le musée Gassendi qui expose notamment une importante collection d’instruments scientifiques du 19e s. dont le pendule cosmographique de l’astronome Pierre Gassendi.

La route impériale poursuit son trajet dans la vallée de la Bléone, où s’élève l’élégante silhouette du château de Malijai, célèbre pour ses gypseries et ses stucs de style Louis XV. Napoléon y passa la nuit dans un fauteuil, dit-on.

Peu après le barrage de Salignac apparaît l’admirable citadelle de Sisteron dont les parties les plus anciennes remontent au 12e s. Mais en tout, ce ne sont pas moins de huit siècles d’architecture qui se dressent sur l’épine rocheuse. Installé dans une casemate, un musée évoque le retour de Napoléon de l’île d’Elbe.

L’aventure impériale continue le long du Buëch jusqu’à la vallée de la Durance. En toile de fond surgissent les sommets de l’Embrunais et des Écrins qui enserrent la ville de Gap. Cette cité charme par l’atmosphère méridionale de ses rues piétonnes, de ses places et de ses maisons colorées. Quelle que soit la saison, elle donne carte blanche à de multiples réjouissances grâce à sa proximité avec l’immense lac de Serre-Ponçon.

Derniers cols avant Grenoble

Avant l’arrivée dans le Champsaur, le col Bayard (alt. 1 248 m) offre une vue dégagée sur le bassin gapençais. Se dévoilent ensuite les escarpements du Dévoluy, puis les cimes de l’Olan. La N 85 se poursuit jusqu’à Corps qui doit en partie sa renommée à une apparition de la Vierge qui entraîna la construction de la basilique Notre-Dame-de-la-Salette (19e s.), perchée à 1 770 m d’altitude.

Pour rejoindre Grenoble, reste à traverser le plateau de Matheysine. Le long de la route qui mène à Laffrey défilent les lacs creusés par les glaciers. Au niveau du Grand Lac de Laffrey, la statue de Napoléon à cheval s’élève dans la Prairie de la Rencontre. C’est à cet endroit que l’Empereur trouva la route de Grenoble barrée par un bataillon. L’histoire retient qu’alors à portée de fusil, il ouvrit sa redingote et s’écria : « Soldats, je suis votre empereur ! S’il en est parmi vous qui veuille tuer son général, me voici ! ». Après quelques secondes de silence, les soldats accoururent vers lui en criant « Vive l’Empereur ! ». Napoléon a marqué dans ses Mémoires l’importance capitale de cette étape : « Jusqu’à Grenoble, j’étais aventurier ; à Grenoble, j’étais prince. » C’est donc triomphalement qu’il y fait son entrée le 20 mars 1815.

Pionnière dans de nombreux domaines, la ville de Stendhal n’a rien perdu de son goût pour le progrès : centres de recherche dynamiques, riches musées et quartiers chargés d’histoire montrent le dynamisme de cette ville au cadre grandiose entre montagnes enneigées en hiver et versants débordant de végétation en été. Le plus beau panorama s’apprécie du fort de la Bastille. Ne quittez pas la ville sans avoir visité le musée de Grenoble qui abrite des œuvres du 13e s. jusqu’aux plus contemporaines, ni le musée archéologique Grenoble-St-Laurent qui témoigne de 2 000 ans d’histoire de pratiques funéraires et religieuses.

Napoléon quittera la capitale des Alpes le 9 mars 1815 pour poursuivre son aventure jusqu’à Paris. Le 20 mars, il entre aux Tuileries et reprend le pouvoir. Durant sa carrière, il n’est rien de plus extraordinaire que cette marche triomphale de vingt jours. L’Histoire ne lui accordera pas plus de « Cent-Jours ». Waterloo signera l’abdication définitive.

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